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le Monde de kikushiyo
6 décembre 2015

Le faiseur de pluie - de Saul Bellow (1959)

faiseur de pluie (le)Le narrateur, Eugene Henderson, mesure près d'un mètre quatre vingt dix pour plus de cent kilos. La cinquantaine n'altère en rien la stature imposante de cet homme qui a combattu dans les forces armées américaines pendant la guerre.

D'un point de vue matériel il est comblé. Il est millionnaire en raison de l'héritage paternel. Il possède à peu près tout ce qu'il veut. Il a cinq enfants et une affaire florissante de porcs. Après s'être séparé de Frances, sa première épouse bipolaire, Henderson s'est remarié avec Lily, de vingt ans sa cadette. Elle lui a donné des jumeaux.

Pourtant, Henderson a une estime de lui-même qui est très modérée, pour ne pas dire minimisée par sa quête perpétuelle de réponses qui ne trouvent pas de résonance. Mais Henderson se pose-t'il les bonnes questions ? Une voix intérieure lui rappelle continuellement : "Je veux, je veux." Mais que veut-il exactement ? Ce vide obère sa capacité de jugement et fini par avoir des incidences sur son humeur. C'est un individu irascible avec parfois des poussées de violences.

En fait, Henderson souffre d'un mal-être très fréquent en occident, quand on se cherche et qu'on est incapable de distinguer ce qu'il y a de bien dans son environnement, lorsqu'on tourne le dos à l'être intérieur qu'on est véritablement et que le poids des charges grossit sur ses épaules comme une excroissance dont on ne peut pas se détacher.

Au fil du texte, le lecteur se saisit des quelques indices donnés par l'auteur pour mieux cerner le caractère du personnage. Ainsi, on apprend qu'adolescent Henderson a perdu son frère Dick dans une noyade. Son père qui préférait Dick, lui dit que ce n'était pas le bon fils qui était parti. Il lui reproche même d'être encore en vie. Dans ce contexte, il n'est pas aisé de se bâtir une solide estime de soi. Il a donc le sentiment d'être à une place qui n'est pas censée être la sienne : "J'avais donc une fois de plus la conviction que j'occupais dans l'existence une place qui devrait être bien mieux tenue par quelqu'un d'autre." (p.113) C'est récurrent dans les descriptions des personnages bellowiens que de pouvoir s'immiscer dans les méandres de leur psychisme pour comprendre ce qui les anime.

Henderson va s'engager dans une recherche intérieure, mais celle-ci ne va pas être statique, comme c'est très souvent le cas dans la littérature de Saul Bellow qui met en scène des personnages qui décrivent plus qu'ils n'agissent. Pour Henderson, cette quête va se matérialiser par une expédition en Afrique. Il part avec Charlie, un ami d'enfance, et la femme de ce dernier. Très rapidement, en raison de divergences, il va se séparer du couple pour voler de ses propres ailes et se rendre sur les sentiers poussiéreux d'un continent africain inexploré, en compagnie de Romilayu, son guide et fidèle compagnon de route.

Là, commence un périple qui va mener Henderson vers la tribu des Arnewi où sa bonne conscience trop paternaliste envers les "indigènes" va quelque peu l'envahir et lui faire commettre une erreur dont il n'avait pas vraiment mesuré la gravité. Il va devoir fuir la tribu du prince Itelo, où il avait pourtant appris le concept du "Grun-tu-molani" : " - Qu'est-ce que c'est ? Que dit-elle ? - Elle dit, vous voulez vivre. Grun-tu-molani. L'homme veut vivre." (p.124)

Ensuite, Henderson va se retrouver auprès du roi Dahfu de la tribu des Wariri. Les deux hommes vont se lier d'une réelle amitié faite de longs échanges, ainsi qu'une reconnaissance mutuelle. Mais, encore une fois, la bonne conscience du narrateur le mettra à une place qui n'est pas la bonne. Pourtant, il voulait juste aider Dahfu à installer son trône, mais sans tenir compte des conventions établies. Entre temps, une prouesse de force donne à Henderson le poste de Sungo, le roi de la pluie, dans ce pays aride. C'est au cours de cette rencontre avec le roi Dahfu qu'Henderson se livre à une véritable introspection en présence d'un fauve, en libérant un cri primal.

Disons-le tout de go, Eugene Henderson est un personnage antipathique. Pourtant, la manière dont Saul Bellow le dépeint dans un univers africain dans lequel le narrateur semble égaré, lui donne une certaine empathie.

Ne nous attendons pas à trouver dans "le faiseur de pluie" un précis de philosophie sur la question du continent africain qui ferait office de révélateur du Moi profond de l'homme occidental. Certes, Bellow brosse l'histoire d'un individu qui se rend compte que tous les artifices qu'il utilise en général pour affirmer un faux-self, n'ont cure dans les tribus qu'il traverse. Les valeurs ne sont pas les mêmes. Pourtant, les nouvelles interactions qu'il découvre vont lui servir de catalyseur à la vie qu'il projette dorénavant.

Le "faiseur de pluie" est un texte beau et simple qui souligne toute la virtuosité dont est capable un auteur qui sait raconter des histoires. Imaginons-nous au coin d'un feu de cheminée, écoutant un récit entraînant qui commencerait par ces quelsques mots : "Il était une fois, un homme allait devenir le roi de la pluie dans une tribu africaine." et laissons-nous porter par l'aventure d'Eugene Henderson.

Saul Bellow a obtenu le Prix Nobel de Littérature en 1976.

[Henderson the Rain King]

Première parution en France en 1961

Trad. de l'anglais (États-Unis) par Jean Rosenthal

Collection Folio (n° 1539), Gallimard Parution : 13-03-1984

480 pages, sous couverture illustrée,

ISBN : 9782070375394 - Gencode : 9782070375394 - Code distributeur : A37539

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