Métaphysique des tubes (2000) - Amélie Nothomb
Métaphysique : Science de l'être en tant qu'être, recherche et étude des premiers principes et des causes premières, connaissance rationnelle des réalités transcendantes et des choses en elles-mêmes. (www.larousse.fr).
Ce tout petit livre d'Amélie Nothomb traite, avec beaucoup de dérision, de la vie de l'auteure alors qu'elle n'était encore qu'une enfant de trois ans et qu'elle vivait au Japon avec son frère, sa soeur et ses parents. Son père y était consul de Belgique. Ce texte n'est ni rébarbatif, ni ampoulé. Son style direct et clair utilise la première personne.
L'enfant pose sur le monde un regard qui ne s'encombre pas de morale judéo-chrétienne, mais qui s'appuie sur l'ensemble de ses fonctions cognitives. En fait, elle exprime ce qu'elle vit.
Ainsi, cette petite fille ressent le monde à travers les odeurs, la vue, le toucher, sa peau. Et les saisons changent au rythme du temps qui passe.
Ce que décrit Nothomb au sujet de cet enfant hypersensible ressemble à une forme d'autisme. En tout cas dans les deux premières années de sa vie elle ne bouge pas, elle ne pleure pas et ne parle pas. L'auteure compare l'enfant à un tube. Elle est toujours en alerte et réceptive au moindre changement de son environnement. A sa naissance elle n'a pas crié. Elle est mutique jusqu'à plus de deux ans. Pourtant, un jour, l'enfant va sortir de son mutisme, mais ce sera un petit animal qui hurle jour et nuit et qui vit le monde en fonction des mouvements de sa toupie. Lors d'une visite, sa grand-mère paternelle lui offre du chocolat blanc. Là, le goût et le plaisir qu'elle va ressentir l'ouvrent aux autres et à la vie.
Quand l'enfant sort du silence, on lui devine des dispositions hors du commun : elle parle japonais avec Nishio-san, sa gouvernante, avant même de s'exprimer en français, sa langue maternelle qu'elle dissimule à ses parents. Avant trois ans, elle lit Tintin et des passages de la bible. Mais elle questionne aussi la vie et sa propre mort, jusqu'à vouloir mourir un jour qu'elle est tombée dans le bassin à truites et que son voeux est de s'y noyer. Sur le chemin de l'hôpital, sa mère dira qu'elle est tombée. L'enfant saura qu'en vérité c'est elle qui a voulu se suicider.
Jusqu'à un certain point, la lucidité de cette petite fille et le regard qu'elle porte sur le monde sont inquiétants. Mais le livre est tellement plaisant et drôle qu'on ne se laisse par envahir par son côté sombre.
C'est le premier livre que je lis d'Amélie Nothomb, aussi je n'ai pas d'a priori. Par conséquent, l'énergie qui transpire du livre est portée par beaucoup d'humour, puisqu'il s'agit du regard qu'une enfant porte sur son entourage. Quand elle décrit les leçons de théâtre Nô prises par son père, avant qu'il n'invite la famille à son premier spectacle qui dure plus de 4 heures. C'est à mourir de rire, tout comme le passage où son père (encore lui) tombe dans un égout alors qu'il se promène avec sa fille pendant qu'un déluge s'abat sur la ville. Celle-ci pense qu'il plaisante et éclate de rire alors qu'il lui demande d'aller chercher de l'aide.