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le Monde de kikushiyo
8 novembre 2015

Le tabac Tresniek (2012) - Der Trafikant - de Robert Seethaler

Pour sa traduction française, "Le tabac Tresniek" est paru en France en octobre 2014 chez Sabine Wespieser Editeur.tabac Tresniek (le)

C'est le quatrième livre de l'auteur et son premier traduit en français. R. Seethaler développe une petite histoire qui, au demeurant, n'est pas une oeuvre littéraire de grande qualité. Toutefois, le texte présente la curiosité d'avoir deux axes distincts qui s'opposent. D'un côté, il y a un roman d'apprentissage plutôt lourd et très maladroit. De l'autre, il y a plusieurs passages très poétiques d'une grande beauté qui montrent tout le talent d'un auteur qui se cherche. Sachant que Seethaler est comédien avant d'être écrivain, même si l'écriture semble à présent être sa principale activité.

Le jeune Franz Huchel, originaire des montagnes du Salzkammergut en Haute-Autriche, doit précipitamment quitter sa mère et son village pour Vienne au motif qu'il a trouvé un emploi chez Otto Tresniek, un marchand de journaux et de tabac unijambiste qui est un ami de jeunesse de la mère de Franz. Ses bottes sont encore toutes crottées quand il entre dans le tabac Tresniek.

A la fin des années trente, le jeune homme va découvrir une capitale où règne la montée de l'antisémitisme. Il est témoin de l'Histoire qui se déroule sous ses yeux d'adolescent qui découvre le monde et, par la même occasion, l'amour avec Anezka, dont il s'éprend. C'est une femme fatale originaire de Bohème. L'amour de Franz pour la jeune femme ne semble pas réciproque car elle peut disparaître très longtemps. Anezka donne un spectacle de nu dans un cabaret des bas-fonds.

A ce moment, l'auteur s'enlise dans un labyrinthe d'absurdité et de mauvais goût. Franz, tiraillé par son amour impossible, va rencontrer le professeur Sigmund Freud qui est un client de Tresniek chez qui il vient acheter cigarettes et cigares. L'adolescent aura de longues discussions avec Freud, en quête de réponses à ses tourments amoureux. Mais les conseils du psychanalyste sont aussi stupides qu'incohérents : "L'amour est toujours une erreur." dit-il, ou bien encore : "Avec les femmes, c'est comme les cigares : quand on insiste trop, ils se refusent à vous." aussi : "L'amour c'est comme un incendie de forêt que personne ne veut ni ne peut éteindre." En cela, l'auteur est très maladroit de prêter des propos aussi grotesques à Sigmund Freud.

Mais il ne s'arrête pas là. R. Seethaler tient absolument à alourdir le roman en s'immiscant un peu plus dans l'intimité viennoise romancée de l'inventeur de la psychanalyse. Ainsi, on y apprend qu'Anna Freud, sa fille, est une cuisinière hors pair : "Au fil des ans, Anna était certes devenue une psychanalyste très productive (...), mais aussi un véritable cordon-bleu alliant talent et passion culinaires, (...). Le rôti de porc aux oignons frits notamment était une de ses spécialités, ...". (p.70)

On peut encore regretter que ce livre qui tient pourtant un sujet grandiose, en l'occurence la douleur de l'intelligentsia à l'époque de la montée de l'antisémitisme, soit traité si simplement avec ce récit d'apprentissage qui n'a ni queue, ni tête. Une éducation du jeune Franz qui, au fil du livre, est très alourdie par des dialogues consternants. Durant des pages entières, le bon vieux docteur Freud vieillissant et malade donne des conseils pathétiques à un jeune homme quelque peu ahuri et naïf.

Pourtant, d'un autre côté, le livre regorge de passages très bien écrits, parfois poétiques. Au tout début du livre, la description d'un homme qui, après un repas arrosé, part nager par temps de pluie. Il va être foudroyé par un éclair qui l'envoie au fond d'un lac. Aussi, la très belle idée d'un jeune homme qui s'évertue à écrire chaque matin ses rêves. Ensuite, il affiche ses textes sur la vitrine du magasin. Les passants seront de plus en plus nombreux à venir lire les étranges textes du buraliste.

Au final, la lecture de "Le tabac Tresniek" m'a été insupportable parce que son contenu ne regorge que de bons sentiments, sans aucune aspérité. Tout y est très simplement raconté et c'est peut-être cela la clé de son immense succès populaire.

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