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le Monde de kikushiyo
18 juillet 2015

Un moment d'égarement (1977) - de Claude Berri

"Le Monde de Kikushiyo" s'est récemment souvenu d'une passion pour ce grand échalas moustachu, mais non moins acteur extraordinaire qu'est Jean-Pierre Marielle.

un moment d'égarement

Plusieurs films de seconde zone des années 1970 lui doivent encore d'être "culte". Notamment pour des répliques qui, dites par Marielle et sa superbe voix de baryton, semblent non seulement venues d'une autre époque, mais conservent un sens comique hors du commun. Avec son air de macho à l'accent titi parisien de la Belle Époque, Marielle s'extasie sur le corps des femmes. Et même, si ses dialogues ont très souvent des consonances phallocratiques ou bien misogynes, l'acteur jubile (et le spectateur aussi).

Aujourd'hui encore, à la seule évocation des "Galettes de Pont-Aven" (1975) ou bien de "Comme la lune" (1977), deux films de Joël Séria, on est projeté dans un sentiment de bien-être et de sourires béats. Des films typiques de l'époque, qu'on ne pourrait plus revoir maintenant, tel quel, hormis par le biais d'un réseau de distribution parallèle ou d'une rétrospective Marielle ou Séria. Certes, c'est un humour très masculin. Je serais curieux de savoir comment les femmes réagissent aux films de Séria ? Quoi qu'il en soit, le Jean-Pierre Marielle des films de Séria est en quelque sorte l'archétype du "Beauf" à la Cabu. L'homme de la quarantaine qui traverse le démon de midi et qui parle des femmes comme il parlerait de belles voitures ou d'un match de football. En fait, Marielle c'est la représentation du Beauf qui s'assume et du con qui peut dire des incongruités en étant sûr de ce qu'il affirme. Mais il y a une part de ce beauf qui est blotti quelque part au plus profond de chacun de nous, me semble t'il.

Quand "Un moment d'égarement" sort dans les salles en 1977, Marielle est à l'aune de sa carrière. Il enchaîne les tournages comme tête d'affiche, des comédies telles que "Plus ça va, moins ça va" de Michel Vianey, "Calmos" (1976) de Bertrand Blier, entre autre. Pour commencer, si on s'arrête sur l'affiche du film, avec le dessin de Wolinski, "Un moment d'égarement" semble être une comédie d'époque, tout ce qu'il y a de très ringard, comme les films de "Max Pécas". Mais la réalité est toute autre. Rapidement, on perçoit un scénario qui tient la route et des dialogues caustiques sur la vie des couples qui se  séparent : "Ça c'est classique, on gueule, on pleure, on cogne et puis après on se couche. Et le lendemain, on recommence.", "Quand les femmes se mêlent de réfléchir, c'est jamais bon". Ou encore de la femme qui l'a quitté : "Si elle s'était pas barrée en Afrique, ce serait encore moi le dompteur."

un moment d'égarement (2)

Le film commence très simplement comme un petite comédie franchouillarde. Et puis, peu à peu les évènements se tendent et prennent une tournure dramatique. Déjà, le sujet est tabou. Il s'agit d'une relation entre une mineure et un homme adulte. Claude Berri s'engage sur un terrain qui n'était pas, pour l'époque, si mouvant que cela, étant donné la grande liberté qui existait sur la question, ainsi qu'une littérature pléthorique qui circulait dans les milieux intellectuels (Roman Polanski s'en mord encore les doigts). Aujourd'hui, aucun réalisateur ne s'y risquerait. (Le remake de 2015 de Jean-François Richet, avec Vincent Cassel et François Cluzet, n'est qu'une pale copie, très loin d'égaler l'originale.)

Il s'agit de l'histoire d'amour entre Pierre, un homme de 44 ans, et une jeune fille, Françoise, âgée de 16 ans (Agnès Soral). Le dire comme cela, sans autre avertissement, ça fait un peu "vieux pervers". Mais pas du tout, et c'est cela la singularité du film. C'est-à-dire qu'on finit par être pris par le tourbillon de cette histoire d'amour impossible, ce côté "voie sans issue". A certains moments, Marielle en devient même pathétique. Ce qui peut faire sourire. Notons aussi que la toute jeune Agnès Soral qui doit interpréter son premier rôle est tout à fait convaincante. Non pas parce qu'elle apparaît très souvent en topless dans le film.

Pierre et Jacques (Victor Lanoux) sont deux amis de longue date. En ce mois de juillet caniculaire, ils arrivent dans une location en bord de mer avec leurs filles, deux adolescentes âgées de 16 ans. Pierre est séparé de la mère de Martine et Jacques souffre de l'absence de la mère de Françoise, celle-ci prend quelque recul pour réfléchir à leur relation qui semble battre de l'aile. Pendant que les filles passent leurs soirées avec des jeunes gens de leur âge, Pierre et Jacques parlent des femmes et de leurs difficultés d'assumer leur rôle de pères modernes. Les jeunes femmes sont encore des enfants et ne mesurent pas vraiment le pouvoir d'attraction qu'elles ont sur les hommes.un moment d'égarement (3)

Quand Françoise dit à son père qu'elle a eu une relation avec un homme de quarante ans, celui-ci ne l'accepte pas. D'autant qu'il ne sait pas que cet homme c'est Pierre, son meilleur ami. Mais chacun peut traverser un moment d'égarement. Là, va commencer un jeu de dupes.

Ce film c'est aussi l'occasion de revoir une France insouciante et enthousiaste, celle des années 1970. Les fêtes foraines battaient leur plein. On ne connaissait pas encore les répercussions de la crise de 1975. Mais surtout, depuis 1968, ce sont les désirs des femmes qui évoluent. Elles affirment leur indépendance et leurs préférences sexuelles. Les moeurs changent et c'est peut-être cela que ne comprennent pas bien ces deux pères quadragénaires avec leurs adolescentes.

bande annonce un moment d'egarement

Et puis, je ne peux pas m'empêcher d'inclure un petit "Marielle" pour la route dans un extrait de "Comme la lune" de Joël Séria.

Comme la Lune

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