"Ugly" est sorti dans les salles en France le 28 mai 2014.
Après avoir vu ce film, il pourrait y avoir plusieurs annulations de voyages dans une Inde qu'on perçoit trop souvent comme exotique et spirituelle. Mais Bombay, bien qu'étant le creuset du cinéma indien est aussi une ville grouillante et cosmopolite faite d'immondices et de décrépitude. "Ugly" montre un versant de la société indienne peut-être moins connu, comme celui des ventes d'armes dans des débits d'alcool. Les réseaux d'enlèvements d'enfants et de prostitution. Adieu la vision "fleur bleue" du cinéma de Bollywood. Anurag Kashyap réalise ici un film Rock'n'roll où la violence policière est omniprésente. On entre dans l'histoire à 100 à l'heure et la suffocation ne nous quitte plus jusqu'au dénouement final. Tout cela porté par la musique envoûtante de G.V. Prakash Kumar qui soutient les images sombres où la guitare électrique remplace la sitar habituelle.
Assisterait-on actuellement à l'émergence d'un nouveau cycle du cinéma indien après l'indépendance (1947) ? Des psychodrames de Mehboob Khan, Nitin Bose, Satyajit Ray et ses joyaux cinématographiques bengali, sont pour moi les pères fondateurs d'un cinéma qui, avec leurs oeuvres, s'ouvre sur le monde des années 40's, 50's. Ensuite, ce sera la Nouvelle Vague indienne du cinéaste Mrinal Sen qui, sous l'influence de Jean-Luc Godard, réalise des oeuvres politiques dans les années 70's. Enfin, le cinéma populaire en langue Hindi qui s'appuie sur une structure mélodramatique, le cinéma "Bollywood" de Mumbay et ses Stars.
Tandis que la nouvelle génération d'Anurag Kashyap est inspirée par le cinéma américain dont elle s'est abreuvée : Martin Scorsese, Sam Peckinpah, Cimino, Coppola, entre autres.
Histoire : Dans "Ugly", Kashyap entraîne le spectateur dans les recoins les plus obscurs de Bombay, à la recherche d'une petite fille kidnappée. Rahul, le père de Kali, sait que dans ce cas le temps lui est précieux. Mais il sait aussi que Shalini, la mère dépressive et alcoolique dont il est séparé, ne lui sera pas d'un grand secours. Shalini est remariée avec Bose, le chef de la Police. Homme ténébreux et violent, Bose ne semble pas dans les meilleurs dispositions pour mener l'enquête à son terme et tenter de retrouver la fille d'un homme qu'il n'aime pas. En effet, la rancoeur qu'il garde envers Rahul et sa jalousie pathologique prennent le dessus sur les actes qu'il doit poser pour organiser les recherches.
Régulièrement, le réalisateur vient dé-construire les impressions qu'on peut avoir pour tel ou tel personnage. Leur psychologie est très complexe. Aucun n'est uniquement positif mais tous ont un versant très sombre qui apparaît au fur et à mesure. Si d'emblée les policiers dirigés par Bose sont violents et agaçants, leur acharnement laisse la place à une véritable enquête qui s'organise. Disons que "Ugly" est intéressant pour sa forme, nouvelle dans le cinéma indien. Pour le fond, c'est une autre histoire puisque c'est dans l'écriture qu'apparaissent toutes les faiblesses du propos d'un réalisateur qui cherche peut-être un peu trop à montrer et pas suffisamment à démontrer. Des approximations qui font parfois un peu fouillis.
Je resterais pourtant sur une très bonne impression du film.