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le Monde de kikushiyo
11 mai 2014

Mother India - de Mehboob Khan (1957)

Ce mélodrame de 1957 est un classique du cinéma indien de Bollywood. Les moissons, les chants, les danses, ainsi qu'une explosion de couleurs, constituent la toile de fond du drame de la vie de Radha, cette mère indienne qui va se sacrifier pour protéger ses enfants. Distillant de manière à peine voilée des valeurs moralisatrices.

mother india (1)

"Mother India" c'est avant tout la volonté du réalisateur Mehboob Khan d'affirmer au monde que, moins de dix années après que l'Inde ait obtenu son indépendance, c'est un peuple rural mais non moins laborieux qui se met au diapason de la modernité.

D'ailleurs, tout est dit dès la première séquence, pendant le générique, Radha l'héroïne, est une très vielle femme. Elle est assise à même le sol et s'empare de la terre à pleine main, cette Terre-Mère qu'elle  vénère et qu'elle hume. Puis, elle semble surprise par le ronronnement des moteurs des puissants tracteurs Voltas Limited, de la nouvelle industrie indienne, qui retournent la terre dans son dos. Comme on le verra plus tard, à son époque tout ce faisait à la main. Ensuite, il y a un fondu enchaîné sur une centrale électrique, avant de poursuivre par l'image de grands travaux. Le chantier d'un canal qui se termine. Il irriguera plusieurs villages d'une région régulièrement victime de la mousson. Le réalisateur semble mettre en avant les symboles d'un pays qui s'inscrit inexorablement dans le vingtième siècle. On frôlerait presque la propagande de l'époque soviétique (d'ailleurs, le logo des 'Mehboob productions' est la faucille et le marteau [sic]). Notons que dans les années 50's, le système économique indien post colonial fonctionnait encore sur un mode replié sur soi, très inspiré par le dogme de la "planification économique" en vigueur en URSS.

Ensuite, on vient chercher la Radha âgée car c'est l'inauguration du canal et cette vieille dame représente l'histoire d'une Nation entière (on le comprendra plus tard dans le film), un flashback permet un retour chronologique dans la vie de cette femme. Comprendre aussi que ce retour en arrière plonge le spectateur à l'époque sombre de la colonisation, quand la mécanisation de l'agriculture n'existait pas encore et que c'était ceux qui spéculaient sur l'argent roi qui régnaient en maîtres, au détriment du peuple qui devait subir des humiliations quotidiennes (à l'image du mari qui va se voir imposer le collier des boeufs autour du cou). Nouveau message du réalisateur.

Donc, Radha se souvient, jeune femme elle se marie avec Shamu. Elle va quitter ses parents pour aller vivre dans la ferme de son mari, auprès de sa belle-mère. Là, vont commencer les sacrifices et les larmes. Les soucis débutent lorsque l'usurier Sukhilala, qui est dépeint de manière très caricaturale et qui semble n'avoir aucun scrupule, se manifeste auprès de la famille car il souhaite à tout pris retrouver son dû. En effet, afin que le mariage soit réussi, la belle-mère avait emprunté d'une manière quelque peu hasardeuse en hypothéquant ses terres. Et puis tous les malheurs du monde s'enchainent dans ce foyer : la misère, la famine, l'accident de Shamu qui lui fait perdre ses deux bras.

Malgré le sort qui s'acharne sur cette famille, Sukhilala, l'usurier, ne relâche pas ses assauts. Mehboob Khan met en opposition, d'un côté ce personnage antipathique, symbole du capitalisme qui s'enrichit sans rien faire. De l'autre, l'incarnation du courage et du peuple laborieux qui s'enfonce dans une misère incommensurable. On pousse même le pathétique à son paroxysme lorsque Radha, sans les boeufs qu'elle a cédés pour rembourser sa dette, laboure elle-même son lopin de terre, soutenue par ses fils en bas âges. D'ailleurs, cette séquence est incontestablement la métaphore christique du Chemin de Croix. Où tout le poids du monde s'abat sur les épaules de cette femme : "Si la vie est un poison, il nous faut le boire" chante-t-elle. Ou bien encore : "S'il pleut avant la moisson, on souffrira de la famine"... et je vous le donne dans le mille, la pluie s'abat sur cette malchanceuse famille. N'en jetez plus.

Mère courage va, non seulement, se sacrifier pour ses enfants, mais elle implore les villageois quittant le village et leur terre après la mousson : "O Villageois. N'abondonnez pas votre terre natale ! Mère Nature vous appelle de ses bras implorants. Revenez sinon Mère Nature vous maudira." Elle sera entendu puisqu'ils restent.

A ce moment précis, "Mother India" exagère le trait patriotique de l'histoire. Radha, devient l'incarnation de la mère protectrice d'un peuple entier. Par conséquent, on est pas surpris de constater qu'à la moisson, une plongée de la caméra de Mehboob laisse apparaître les gerbes de blé dessinant sur le sol une carte immense de l'Inde. Dorénavant, le réalisateur avance à visage découvert, "Mother India" est bien une oeuvre métaphorique à connotation politique. Une forme de fresque à la gloire du vaillant peuple indien. En quelque sorte un vecteur de propagande que ne récuserait pas l'actuel Parti du Peuple Indien (BJP) nationaliste au demeurant. Encore une fois, c'était une autre époque.

Duniya Mein Hum Aaye Hain (Video Song) | Mother India | Nargis & Sunil Dutt

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