The lunchbox - de Ritesh Batra (2013)
On pourrait prédire un beau parcours de "The lunchbox" dans les salles obscures de l'hexagone. En effet, le film se déroule en Inde, à Bombay précisément, avec des acteurs indiens, quant au scénario l'influence de la Nouvelle Vague y est perceptible.
Par petites touches, aussi ténues soient-elles, on retrouve par-ci, Jean Eustache avec "La maman et la putain" (1973), notamment lorsqu'Ila attend Sajaan Fernandes des heures durant, dans un café. Déjà, un café comme lieu de rendez-vous, ce n'est pas courant dans le cinéma indien, mais encore moins lorsque c'est une femme qui invite. Par-là, il y a une histoire d'amour qui semble impossible et qui ne se nomme pas.
Cette histoire démarre sur un fait improbable, une lunchbox qui n'arrive pas à son destinataire. En cela, j'avais la sensation de poursuivre mon voyage dans le reflet de la Nouvelle Vague, me rapprochant cette fois-ci d'un Truffaut comme "La femme d'à côté", ou d'un Godard ou d'un Chabrol. Le décor est presque anecdotique. L'histoire, bien qu'elle se déroule dans le brouhaha de Bombay, aurait pu avoir lieu dans n'importe quel autre endroit, ce qui montre sa dimension universelle. On perçoit cette petite touche du cinéma français qui a guidé l'inspiration de Ritesh Batra pour aboutir à ce premier long métrage brillamment réussi.
Deux vies douloureuses : Ila, jeune femme et mère, qui souhaite que son mari se rapproche d'elle et la regarde de nouveau. Elle est en souffrance dans sa vie de couple. Aussi, sur les conseils de sa vieille voisine du dessus, tente t'elle de reconquérir son époux en réveillant ses sens et notamment ses papilles. Ila va préparer son repas de midi, confectionné jour après jour dans des Lunchbox. Par le système de la Dabbawallah, véritable organisation de petits livreurs, la boîte sera acheminée par vélo puis par train de l'autre côté de la ville sur le lieu de travail du mari.
Et puis, il y a Sajaan Fernandes, vieux veuf acariâtre, qui vit seul parmi ses habitudes et sa routine quotidienne du métro, boulot, cigarette sur sa terrasse et dodo. Après 35 ans de loyaux services en tant que comptable, Sajaan est à un mois de la retraite. La formation de son successeur ne semble guère l'enchanter. A l'heure du repas, il fait lui aussi appelle aux services des livreurs de la Dabbawallah. Inéluctablement, l'erreur va se produire et les repas qu'Ila prépare pour son mari vont se retrouver sur la table de Sajaan, d'où l'heureux quiproquo qui va être le point de départ d'une belle histoire qui va se poursuivre par une correspondance secrète. Les lettres vont s'échanger, dissimulées dans la boîte des naan.
Deux chemins de vies qui, d'un premier abord, n'auraient jamais dû se croiser, vont s'effleurer, se connaître et se protéger mutuellement dans une liaison romantique. Batra choisit d'aborder son film sous la forme d'une comédie, c'est bien car on ne tombe jamais dans le pathos et on ne s'apitoie à aucun moment sur le sort des uns et des autres. Pour cela, on a plusieurs fois l'occasion de rire face à l'incongruité des situations.
Sans un scénario très bien ficelé, le film aurait pu tomber dans des errements indigestes, en raison des nombreux aller-retour de la Lunchbox. Dans un tout autre contexte, l'idée du film pouvait devenir rébarbative et ennuyeuse, mais ce n'est pas le cas et on se laisse happer par l'histoire de ces deux âmes en souffrance. Je ne conseille pas de voir ce film le ventre vide (ce qui était mon cas, hélas) car les plats préparés par Ila sont terriblement appétissants et ceux qui connaissent un peu la cuisine indienne comprendront qu'on frôle le supplice.