Hommage à Ghislaine Dupont et Claude Verlon - 3 novembre 2013
Ghislaine, Claude, je ne vous connaissais pas. Pourtant, aujourd'hui, pour avoir exercé votre métier de journalistes consciencieusement, vous n'êtes plus là. Vous ne lirez jamais ces quelques lignes et je le regrette. Je regrette surtout de n'avoir pu vous dire de votre vivant, qu'ici en France, si nous sommes libres, c'est parce que vous nous expliquiez le monde tel qu'il est. Vous aviez la sagesse de donner la parole à ceux qui ne l'ont pas et qui sont opprimés ici-bas.
Déjà, je salue votre courage. Votre courage d'avoir été ensemble dans les coins les plus reculés du monde, où règne l'obscurantisme, pour tenter de comprendre, d'expliquer et parfois même, de dénoncer.
Aujourd'hui, j'en veux à ceux qui vous ont assassinés pour toutes les valeurs que vous incarniez. Des valeurs comme la liberté, l'égalité des sexes et le libre arbitre aussi. Des valeurs que votre regard ne pouvait pas dissimuler et vous n'avez pas baissé les yeux. Tout cela, c'est intolérable pour ces gens-là. Mais, si je n'excuse pas leur acte, je sais qu'ils n'ont pas eu la chance que j'aie, moi, de pouvoir user de libertés dans un pays libre. Ceux qui s'abreuvent de doctrines moyenâgeuses et de haine n'ont pas eu ce que nous nommons, le discernement.
Votre station RFI contribue à la diffusion de la parole et ébranle tous les autoritarismes, quels qu'ils soient. C'est pour cela que des hommes et des femmes, comme vous, doivent continuer à répandre cette part de contradiction qui nous rend plus responsables de nos opinions, notamment dans les pays d'Afrique subsaharienne. Nous, citoyens libres du monde, porterons toujours plus hautes ces valeurs qui nous habitent et qui nous sont intrinsèques.
Je sais que RFI n'est pas un média comme les autres. C'est une radio qu'on capte dans toute l'Afrique, notamment. Je me souviens qu'au fin fond d'un village, perdu dans la brousse Camerounaise, ma petite radio à piles rondes était branchée sur RFI, des journalistes à l'accent local expliquaient les enjeux politiques et le quotidien du coin. C'était peut-être vous Ghislaine, ou bien vous Claude qui, auprès de vos collègues, vous démeniez afin d'assurer le journal heure après heure. Ces derniers jours, vous prépariez une "spéciale" sur les élections législatives au Mali qui auront lieu en novembre.
"Fin juillet 2009, le gouvernement congolais a décidé d'interdire la diffusion de RFI en modulation de fréquence (FM) sur le territoire national. Kinshasa justifie sa décision citant entre autres "une campagne de démoralisation des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) qui protègent le pays" que mènerait RFI. La plupart des reportages qui ont conduit à la suspension de RFI provenait de Ghislaine Dupont." [sic] (Sources RFI - Emission Afrique Midi du 1er juin 2010)
Votre présence en Afrique c'est surtout un regard fraternel qui s'est posé sur des gens qui restent malmenés dans cette région du nord Mali. C'est le regard de l'ouverture sur le monde.
Hier, vous regardiez vos assassins dans les yeux et peut-être qu'à ce moment-là vous saviez. A présent, le monde libre vous pleure. Et puisque maintenant vous êtes dans les jardins de Bouddha, la Vie à présent vous parait sûrement plus douce et moins folle. Alors, Ghislaine, Claude, aujourd'hui je vous remercie.
Que ces quelques mots puissent apaiser la douleur de vos familles, de vos proches.
Kikushiyo.