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le Monde de kikushiyo
28 septembre 2013

Le dernier arbre - de Tim Gautreaux (2013)

"Le dernier arbre" est paru le 26 septembre 2013.

Ce livre évoque un traumatisme guerrier. Celui d'un soldat américain, Byron Aldridge, venu espionner sur le front durant la première guerre mondiale, dès 1914.

le dernier arbreIl retournera chez lui avec de grandes blessures à l'âme.

C'est l'histoire de deux frères. L'un, Byron, est en effet parti sur les champs de batailles, d'abord en observateur puis en tant que combattant, en France. L'autre, Randolph, est resté aux États-Unis auprès du père. Dans l'Amérique des années vingt, tous les deux s'occupent d'une scierie dans un endroit reculé de la Louisiane, en plein milieu des marais, des alligators et des serpents.

Byron est revenu de la guerre, complètement détruit de l'intérieur. Il souffre d'un choc post-traumatique qui le rend particulièrement violent.

Ce roman est une métaphore entre les arbres qui tombent au fur et à mesure que la saison de l'abattage avance et les corps qui tombaient les uns sur les autres sur les champs de batailles : "Naturellement, les premières colonnes françaises furent fauchées, les corps s'empilant comme des tas de hardes, par milliers peut-être." (p.138). D'ailleurs, le passage de la bataille de Verdun est apocalyptique. Ce sont des vagues successives de soldats qui seront anéanties, décimées. Byron a emmagasiné la violence durant la guerre et, une fois à la scierie, il va réfracter cette même violence vers l'extérieur.

"Le dernier arbre" est un grand roman qui foisonne d'idées et de changements de rythme. Les personnages féminins occupent une place importante et sont peut-être les seuls à avoir du bon sens et de la sagesse dans la torpeur des Bayous. Dans cette chaleur poisseuse, il n'est pas rare que Lilian, la femme de Randolph, sorte le fusil pour abattre un serpent trop avancé sur les escaliers.

"Le dernier arbre" représente aussi une thérapie générale pour cette Amérique du progrès et de l'industrie juste avant la crise, une Amérique qui règle ses traumas d'après guerre au travers des affrontements entre le bien et le mal, entre les noirs et les blancs dans cet état sudiste.

La guerre est la représentation de la violence suprême. Par conséquent, ce qui va se passer ensuite entre les ouvriers dans la scierie, montre qu'il n'y a plus de limite, car celui qui a connu la guerre a connu le pire. Désormais, ce qui peut arriver n'est rien comparé aux explosions qui fauchaient et détruisaient. C'est pour cela que les protagonistes sont d'une violence excessive : le racisme est montré de manière très crue. L'alcoolisme aussi est très présent durant cette période de prohibition.

Derrière cette idée de la violence, à travers le personnage de Byron, le constable, Tim Gautreaux montre la question de l'instauration de la loi. En effet, dans la scierie de Nimbus, un sicilien mafieux veut imposer son diktat sur les jeux, pour lui c'est la loi du Talion qui règne, en opposition à Byron et Randolph qui, tant bien que mal, tentent de fixer des règles aux ouvriers.

En fait, Byron est un homme qui reste fragmenté, encore commotionné, abasourdi par le "shell shock", c'est-à-dire tous les traumatismes liés au choc de l'explosion de l'obus : "Et le bruit. Je sais que tu as déjà entendu une chaudière exploser. Eh bien, imagine deux mille explosions semblables toutes les cinq minutes, parce que l'artillerie était là en force" (p.139). Il y aura d'ailleurs un passage du livre qu'on ne peut pas oublier. Celui où, à Verdun, se produisit une explosion derrière Byron, qui déchiqueta un ami. Alors qu'on pensait ensuite lui retirer du dos des morceaux d'obus, il s'avère qu'on extraira les dents de son camarade.

"Le dernier arbre" a les mêmes élans qu'un western (il y a beaucoup de similitudes notamment dans l'affrontement entre le bien et le mal). J'ai souvent pensé aux westerns d'Anthony Mann avec James Stewart. Des films comme "Winchester 73" ou encore "L'homme des plaines".

Tim Gautreaux est un auteur de la nouvelle génération des écrivains américains du sud. Son roman "Le dernier arbre" est le premier qui est traduit en français. Espérons que d'autres suivront, pour notre plus grand plaisir. C'est un roman important qui marquera mon année 2013.

 

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Commentaires
K
Attention, le nouveau titre de Tim Gautreaux : "Nos disparus" sortira aux éditions du Seuil le 21 août 2014. La fin de l'été s'annonce donc palpitante.
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J
Les lecteurs qui auront aimé “Le Dernier arbre" découvriront bientôt (début 2014) un autre roman de Tim Gautreaux chez le même éditeur (Le Seuil), "The Missing" — Je ne connais pas le titre français que choisira le traducteur.
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L
Pas un roman qui me plairait, mais un bien beau billet ! Et un tout nouveau blog que je suis ravie de découvrir !
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