Annie HallDeux films résument au mieux la vie d'un couple au quotidien, de sa rencontre à l'aune de son amour, puis ses joies, ses peines et la séparation. Deux bons réalisateurs se sont notamment penchés sur le sujet complexe de la vie à deux. L'un suédois, l'autre américain. Ingmar Bergman réalise en 1973 ses "Scènes de la vie conjugales". Ce film m'a bouleversé tellement il s'impose dans le réel. Lorsqu'on vit soi même une crise de conjugalité, je pense que la tendance naturelle est de se replier sur soi en pensant être le/la seul(e) à traverser ces moments difficiles. Mais il est bon, voire même thérapeutique en quelque sorte, de vérifier qu'ailleurs l'herbe n'est pas plus verte et que ce que l'on vit n'est qu'un perpétuel recommencement de ces traumas inhérents aux relations humaines.

En 1976, Woody Allen réalise et interprète "annie hall" avec la craquante et sémillante Diane Keaton. Contrairement à Bergman, Allen aborde la question sous la forme d'une comédie, mais la thématique est la même : le temps exerce t'il une action d'érosion dans une relation de couple ? La réponse est positive, bien entendu.

Dans "annie hall" il y a plusieurs petits clins d'oeil du réalisateur à d'autres oeuvres, ainsi les "Scènes de la vie conjugales" s'immiscent dans le film lorsque le couple Allen/Keaton se retrouve au cinéma au début de leur relation.

Dans les prémices d'une relation, ce qui pourrait passer pour de la fantaisie, devient au fil du temps de la routine. C'est ce que montre très habilement Woody Allen dans ce film qui me semble être la clef de voûte de l'ensemble de  son oeuvre. Tout ce qu'on retrouvera dans ses autres films y est déjà traité dans ce film : New york ; l'amour ; la vie de couple ; les névroses qui trouvent leurs berceaux dans l'enfance ; la judaïté ; la psychanalyse ; la phobie de la mort ; l'allergie de Woody Allen pour Los Angeles en opposition à son attachement pour New York (voire sa relation passionnelle pour cette ville).

J'ai beaucoup ri en regardant "annie hall". Pour moi, la scène la plus drôle est celle de la première audition d'Annie en tant que chanteuse dans un petit cabaret. Le public est peu attentif, le micro larsen, une assiette se casse, le téléphone sonne, mais Annie reste imperturbable.

Parfois, en plein milieu d'une séquence, l'action s'arrête et Woody Allen se tourne vers la caméra pour interpeller le spectateur. Il me semble qu'en 1985, Allen récidivera cette expérience de complicité entre celui qui joue la scène et celui qui la regarde dans "La Rose pourpre du Caire". Cette fois-ci, ce seront les héros du films qui sortiront de l'écran pour flirter avec Mia Farrow. Dans "annie hall", c'est dans la file d'attente d'un cinéma qu'Allen ne peut garder son sang froid vis-à-vis de la discussion qui se déroule dans son dos. Un individu cite un homme célèbre, Marshall McLuhan. Soudain, Allen se tourne vers la caméra, dit qu'il ne supporte plus ceux qui doivent donner leur point de vue sur tout. Puis, il se dirige vers Marshall McLuhan, le célèbre théoricien des médias, en personne, interprétant son propre rôle, qui dit à l'individu qu'il n'a rien compris à son oeuvre. Très drôle.

On peut dire beaucoup de choses avec de l'humour, en tout cas Allen aborde la question du désir pour l'autre et de la manière de l'exprimer. On peut parfois être maladroit en amour, ne pas se comprendre. Sous une forme comique, Woody Allen s'adresse à nous et questionne notre intimité.

Bravo Monsieur Woody !