le noir est une couleur - Grisélidis Réal

Époustouflant comme ce livre est une ode à la liberté de vivre comme on le veut : "Ah Liberté ! On ne te payera jamais assez cher !"

Pendant sa lecture, je me suis rendu compte que les barrières de ma morale limitent ma vision de la société. Ces barrières me pèsent et ne me permettent pas d'accepter l'autre tel qu'il est. Il y a si longtemps que je n'avais pas reçu une claque de cette force.

J'attendais de croiser le chemin d'un livre qui me mette mal à l'aise, c'est chose faite. Voilà ce que devrait toujours être l'écriture, un combat livré à la bien pensance. Chaque mot forme un jet d'acide que l'artiste lance sur nos représentations. Cette femme fuit avec ses enfants et Bill, ce noir américain, schizophrène et étudiant en médecine. Sans papiers, dans une Allemagne du début des années soixante, elle va connaître la faim et la misère, pour finir par se livrer à la prostitution. Commence alors un long voyage dans les bas-fonds.

Grisélidis Réal raconte sa propre histoire. Mais où s'arrête la réalité et où commence la fiction ? La frontière entre les deux est ténue. Son récit est très contemporain. En effet, qu'existe t'il aujoud'hui pour des personnes qui n'ont pas de toit, pas de papiers ? La société peut-elle prendre en charge a minima, ne serait-ce que pour les enfants ? En fait, les choses ont très peu évoluées.

La lecture de ce livre n'est pas de tout repos car le commerce du sexe draine dans son sillage une somme de violence, de lâcheté et de perversion. C'est cruel et on ne se fait pas de cadeaux. A chaque coin de rue, c'est la mort qui rôde. Les clients sont des militaires américains, noirs pour la plupart. Parfois, d'autres types d'hommes rentrent en scène. Il y a ceux qui viennent timidement parler d'amour ; il y a ceux qui kidnappent et violentent ; ceux encore qui viennent assouvir leurs fantasmes scatologiques ou masochistes.

Ce commerce se déroule dans un monde parallèle. Le peuple de la fange côtoie la société dite "normale", mais les deux mondes ne se voient pas. Par contre, ces univers se croisent lorsqu'un notable paie la putain. La narratrice fait une passe, prend ses Deutschemark et part donner aux enfants leur pitance.

Ô Diogène moderne, ton soleil n'est pas le notre et les chiens veulent ton sang.

L'auteure parle de ses relations quasi fusionnelles avec des hommes noirs. Elle les aime, elle les admire, elle les adule. Et, dans son errance, elle décrit les instants passés auprès de ses amants noirs comme des trêves heureuses dans une vie obscure. Pour elle, l'homme de couleur est un refuge, un ailleurs qui devient possible. Elle décrit son histoire d'amour sensuelle avec Rodwell, ce jeune militaire américain, avec lequel elle s'oubliera dans les vapeurs de la marijuana. C'est d'ailleurs cet épisode qui va la perdre aux yeux des autorités allemandes.

Cette femme de peu, arrivée sans rien, va se rapprocher des Tsiganes, se faire admettre dans leur famille et avoir même un père de substitution, Tata, qui a connu les camps d'extermination.

 En fait, à la lecture de "Le noir est une couleur", j'ai eu un véritable coup de coeur. Je veux aller plus loin, savoir qui était cette femme d'origine suisse, quels autres livres a-t'elle écrits ? Je commence cette quête avec la vidéo ci-dessous.

 

8 juin 2013