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le Monde de kikushiyo
2 juin 2013

L'initiation d'un homme : 1917 - John Dos Passos

Ce petit livre est un journal de guerre avant d'être un roman. En effet, son héros, Martin Howe n'est autre que le double de l'auteur, John Dos Passos qui décrit son engagement comme ambulancier volontaire de l'armée américaine durant la Grande Guerre. C'est dans sa préface de 1968 que Dos Passos explique comment, durant sa campagne de France, il prenait ses notes sur des feuillets.

l'initiation d'un homme-dos passosMartin Howe est le symbole d'un continent américain qui n'est pas très mature quant aux questions internationales et qui se remet à peine de la guerre de Sécession et ses 600 000 morts quelques cinquante ans auparavant. Mais l'Amérique va apprendre vite et devenir adulte en entrant de plain-pied dans cette guerre :"- Et en Amérique, ça leur plaît la guerre ? - Ils ignorent ce que c'est. Ils sont comme des enfants. Ils croient tout ce qu'on leur raconte ; ils n'ont aucune expérience des affaires internationales, comme vous, les Européens. ... "Nous voilà devenus une nation militaire, une entreprise de piraterie, autant que la France, l'Angleterre et l'Allemagne."

Ce récit initiatique décrit un jeune homme qui, lorsqu'il arrive à Bordeaux en bateau, a les yeux grands ouverts et observe le monde qui l'entoure. En l'occurrence, la France de 1917. La guerre est omniprésente, les morts jonchent le sol. Il y a les braves qu'on ampute. Mais Martin Howe raconte les atrocités qui se déroulent sous ses yeux avec le regard d'un enfant, parfois même avec une certaine insouciance. Dans un premier temps, il décrit presqu'un jeu durant lequel il sillonne la France rurale et Paris avec ses amis de Harvard. Quand l'un d'entre eux tapote un morceau de Ragtime sur l'orgue d'une église en rase campagne, elle est immédiatement bombardée.

Ensuite, il va se retrouver face à deux fronts qui vont le faire mûrir. D'un côté il y a celui des allemands qui pilonnent de manière intensive et dont les lignes de front sont à seulement quelques centaines de mètres. D'un autre côté, lorsqu'il est à Paris, il y a les femmes, si jolies, si proches des soldats américains. Autre symbole de sa maturation. Pourtant, le jeune homme montre sa maladresse malgré sa fascination.

En 1917, la France, fût-elle en guerre, reste le pays de la qualité de la vie. Ce qui surprend Martin c'est le temps que prennent les français pour manger, ainsi que pour expliquer sa situation. Comment peut-on faire de la philosophie alors que les canons grondent ? C'est tout l'étonnement que lui inspire ce "nouveau monde" que décrit Dos Passos / Howe. Notons les descriptions détaillées des repas entre camarades, quand les vins sont choisis pour s'accorder avec les plats.

Mais "L'initiation d'un homme : 1917" est avant tout un réquisitoire contre la guerre : Quelle connerie la guerre ! "Le vent arrivait par bouffées chargé d'une odeur de rats crevés dans un grenier. Et c'était pour en arriver là que tous les siècles de civilisation avaient usé leur vie dans les mines, les usines et les forges, dans les champs et les ateliers, à trimer, à toujours exagérer davantage la tension de leurs cerveaux et de leurs muscles, à polir sans cesse le miroir de leur intelligence, Pour cela !"

Durant la lecture, j'avais comme une petite musique qui trottait. Quand Mouloudji chantait Prévert :

"Oh Barbara

Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant "

Je pensais aussi au "Voyage au bout de la nuit" de Céline. Mais ces troubles que sèment l'idée même de la guerre, et les discours guerriers bousculent les certitudes d'un jeune homme d'à peine vingt ans. Dos Passos nous met face aux contradictions des systèmes politiques occidentaux de l'époque, où la barbarie reigne en maître, réminiscence de la féodalité. C'est un enfant qui est arrivé à la guerre, c'est un Homme qui rentrera en Amérique. Rappelons qu'à la fin de la guerre 14-18, c'est près de 2 millions d'américains qui étaient en France.

2 juin 2013

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